Conférences, Filières et marchés
(Ressource éditorialisée issue de la conférence SPACE – INTERBIO Bretagne x Interbio Pays de la Loire)
Entre 2022 et 2025, la filière lait bio française a traversé une période de contraction : recul de la collecte, baisse du nombre de livreurs, aléas sanitaires (FCO), consommation en retrait. Pourtant, en Bretagne, les signaux de stabilisation — voire de relance — se multiplient. Les transformateurs, les organisations de producteurs et les réseaux d’éleveurs ont engagé des stratégies de résilience qui, en 2025, commencent à porter leurs fruits.
1. Une collecte nationale en recul, mais un Grand Ouest plus résistant
Après une décennie de croissance, la collecte de lait bio a amorcé en 2022 une chute progressive qui s’est confirmée en 2023 et 2024. En 2024, la collecte nationale s’établit à 1,17 milliard de litres, soit –8,6 % sur un an
.
Plusieurs facteurs se combinent :
- une baisse de consommation engagée dès 2021,
- un effet “ciseau” des prix entre bio et conventionnel,
- des impacts sanitaires, notamment la FCO, qui fragilise la fertilité et la productivité.
Mais cette dynamique n’est pas uniforme. Les régions les plus touchées par la FCO — Est et Nouvelle-Aquitaine — enregistrent les baisses les plus marquées.
À l’inverse, le Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire) se distingue par une collecte stable ou légèrement décroissante, et le Centre-Val de Loire reste même en progression.
Cette résistance régionale s’explique en partie par une structuration historique des filières, la proximité avec les grands bassins de transformation et des systèmes fourragers globalement plus résilients face aux aléas.
2. Prix du lait bio : un écart qui se redessine, mais encore insuffisant
Le différentiel avec le lait conventionnel est un indicateur clé. Début 2024, il n’était que de 30 €/1 000 L, un niveau historiquement faible. En janvier 2025, l’écart remonte à 50 €/1 000 L
— un signe positif, mais encore loin des années fastes où il dépassait les 120 €.
En juin 2025, le prix moyen national atteint 512 €/1 000 L.
Les stratégies des opérateurs diffèrent :
- Biolait maintient un prix protecteur (485 €/1 000 L) et vise un passage symbolique des 500 € avec un modèle centré sur l’équité et la stabilité.
- Invitation à la Ferme adopte un “prix équitable” défini collectivement : 600 €/1 000 L en 2025, basé sur les coûts réels de production.
- Les transformateurs comme Olga ajustent les volumes collectés aux ventes, mais conservent la volonté d’intégrer de nouveaux producteurs.
Cette hétérogénéité révèle un enjeu majeur pour 2026 : sécuriser un prix durable permettant d’assurer la pérennité des fermes, dans un contexte d’investissements élevés et de renouvellement des générations.
3. Effets croisés du climat et de la FCO : une production fragilisée
Les aléas climatiques s’intensifient et modifient profondément les performances laitières des systèmes bio : canicules, sécheresses, excès d’eau, baisse de productivité des prairies.
Le témoignage des fermes du réseau Cerfrance ou de la SCEA Couvert confirme une vulnérabilité accrue des prairies bio, pourtant cœur du modèle herbager.
La FCO, quant à elle, a une influence directe :
- baisse de fertilité,
- réduction des volumes,
- impacts durables sur les campagnes 2024–2026.
Cette pression sanitaire renforce l’importance de systèmes équilibrés, autonomes en fourrages et sobres en intrants, capables d’absorber les aléas.
4. Production laitière : des signaux positifs en Bretagne
Alors que la fabrication nationale recule de 4 %, la Bretagne affiche des évolutions très encourageantes :
- +5 % pour le lait liquide bio,
- +5 % pour le beurre,
- +10 % pour le fromage frais,
- +3 % pour les yaourts et produits fermentés
- .
Cette dynamique traduit un regain d’intérêt du marché pour les produits transformés, moteurs de valeur. Elle confirme aussi la capacité des opérateurs bretons à innover, investir et maintenir une filière attractive malgré la conjoncture.
5. Vers une filière plus résiliente : quelles orientations pour 2026 ?
5.1. Sécuriser les volumes et les prix
La volatilité des marchés pousse les acteurs à imaginer des modèles plus stables : contrats pluriannuels, volumes garantis, référentiels de prix équitables.
Ce besoin est partagé par l’ensemble des intervenants, qu’ils soient collecteurs, transformateurs ou producteurs.
5.2. Renforcer la valorisation : produits transformés & commande publique
Les produits à forte valeur ajoutée — yaourts, fromages, glaces, produits frais — sont en hausse en 2025.
La montée en puissance de dispositifs innovants comme Terres de Sources, qui articule lait bio et prestations environnementales, ouvre des perspectives fortes dans la restauration collective, un débouché stratégique pour relancer la demande.
5.3. Communiquer mieux, et autrement
Tous les acteurs soulignent l’urgence de mieux expliquer au consommateur ce que garantit réellement la bio :
- pâturage,
- absence d’OGM,
- externalités positives sur l’eau, la biodiversité, les sols,
- cohérence globale des systèmes.
La filière a payé cher la confusion générée par des marques opportunistes durant les années 2019–2021. En 2025, une dynamique de reconquête s’opère : campagnes de communication, ouverture de fermes, animations en magasins.
5.4. Préparer la relève
Le renouvellement des éleveurs devient un enjeu vital.
Les perspectives sont contrastées :
– 37 % des éleveurs interrogés ont une vision optimiste du lait bio à 10 ans,
– mais chez les moins de 30 ans, 80 % se déclarent mitigés ou pessimistes.
La filière doit donc redonner du sens, de la visibilité et une juste rémunération.
Conclusion
En 2025, la filière lait bio traverse encore une zone de turbulence, mais les fondamentaux se consolident. La Bretagne, particulièrement, montre sa capacité à se projeter malgré la baisse nationale : hausse de certaines fabrications, projets territoriaux structurants, attractivité des réseaux de producteurs.
Les perspectives 2026 dépendront de trois leviers clés :
rémunération, valorisation des produits, communication sur les bénéfices du bio.
C’est à ce prix que la filière pourra redonner confiance aux producteurs, continuer à attirer de nouveaux éleveurs et maintenir une souveraineté laitière bio sur le territoire.
Nous répondons aux questions
Les produits transformés tirent la filière : yaourts, fromages frais et produits fermentés affichent une reprise en Bretagne.
La baisse résulte d’une diminution de la consommation, d’un resserrement du différentiel prix bio/conventionnel et d’impacts sanitaires comme la FCO, qui freine fertilité et production.
La moyenne nationale est de 512 €/1 000 L. Certains réseaux vont plus loin, comme Invitation à la Ferme avec un prix équitable de 600 €/1 000 L.